Alors, que je vous mette un peu tous au courant.
Je suis une blogueuse assidue, notamment sur le blog littéraire le plus couru du web, à savoir la République des Livres de Pierre Assouline.
J'y suis, comme certaines autres commentateurs, une cible pour les "trolls", ces individus qui viennent poster des messages n'ayant d'autre utilité, ni d'autre volonté, que de nuire. Nuire à qui ? Soit au commentateur, soit au Patron du Blog.
Leurs principales caractéristiques sont : des pseudos sans cesse changeant. Des messages courts (trois phrases au plus). Des allusions et des calomnies, presqu'exclusivement. Une sorte de "prise à témoin" des autres participants, en sous-entendant qu'ils sont d'accord avec les propos tenus (ils ne s'adressent que fort rarement directement à leur cible) Une déformation systématique, jusqu'à l'absurde, de vos opinions.
J'en ai longtemps souffert, autant pour moi que pour l'hôte qui m'accueillait, jusqu'au jour où une conversation très sérieuse avec "Paniss" s'est engagée. L'opinion de Paniss, visiteur assoulinien, était en effet que ma position de victime (car j'en étais incontestablement une, Paniss ne remettait pas cela en cause) était aggravée par mon attitude : relevant les propos des trolls à mon égard, et m'en plaignant. Il était d'avis que parler des trolls aux trolls, c'était les exciter... Et que seul le mépris du silence absolu les décourageait.
Je n'étais pas trop d'accord avec lui. Je trouvais que son reproche s'apparentait aux remarques machistes adressées aux filles violées, qu'on traite d'"aguicheuses", retournant ainsi l'agression. Et je pensais très sincèrement que, réaction ou pas, j'avais les trolls aux fesses, n'est-ce pas, et qu'ils ne lâcheraient pas prise ainsi.
Nous avons convenu, Paniss et moi, d'opérer une sorte de test grandeur nature, afin de savoir lequel de nous deux avaient raison.
La règle du jeu était la suivante : je me "lâchais" complètement chez Assouline, sans aucune auto-censure, et me permettais ce qui, d'habitude, provoque une réaction immédiate des trolls ou de certains commentateurs.
A savoir parler de vous-même, abondamment, et à la première personne, et des vôtres (vous êtes accusé de psychose égocentrique, et on vous dénigre le droit de "parler de votre univers sur un blog littéraire où l'on ne doit parler que du sujet du jour, et faire preuve, si possible, de la plus grande érudition"). Renvoyer les visiteurs à votre propre blog (là, on vous accuse de vouloir augmenter vos statistiques de fréquentation), ou mentionner le livre que vous avez écrit (vous êtes bien entendu immédiatement taxée de vouloir en augmenter la vente). Dire du bien de Pierre Assouline, être gentille avec lui ou simplement, mentionner que vous l'estimez (là, vous êtes accusée de tortiller du cul devant l'hôte, pour le séduire ou profiter de sa renommée). Digresser, ou parler politique (là, on vous interdit de prendre le blog pour une tribune. Pourtant, bien d'autres que vous le font, notamment un éditeur d'extrême-droite, Pierre Régniez, anti-avortement et lécheur de cul papal).
Donc, je m'autorisais à raconter vraiment ce qui me passait par la tête, sans craindre d'étouffer complètement le blog (car c'est une technique trollesque bien connue, et qui vise Pierre Assouline derrière mes larges épaules). Et de poster autant de messages que je voulais... (on vous accuse dans ce cas de logorrhée, évidemment !)
Par contre, je m'interdisais de relever le moindre propos de troll, même le plus insensé et le plus injurieux à mon égard, et je prenais l'engagement de ne pas me plaindre, ni même de mentionner les trolls. Le black-out le plus total.
Nous convînmes, Paniss et moi, de pratiquer l'exercice sur 15 jours, histoire de voir.
Après, il fallait dépouiller les résultats... J'ai compté, d'une part, les commentaires que je postais, pour les 10 derniers billets d'Assouline. Puis leurs réponses "normales", provenant de visiteurs identifiés, qui m'adressaient directement la parole, ne prenaient pas ce ton indirect caractéristique du troll. Ces réactions pouvaient être parfaitement hostiles, (comme celles de Daaphnée ou de Renato, visiteurs assidus d'Assouline qui ne me portent pas dans leur coeur) ou au contraire très favorables :je les comptais comme "réponses". Puis je dénombrais les réponses des trolls...
Bon, je suis d'accord avec vous tous, faut vraiment avoir que ça à foutre. Mais cette question des trolls m'a suffisamment pourri le plaisir bloguesque pour que je fasse cet effort-là. Et ce n'était que sur 15 jours. Bien entendu, Pierre Assouline fut avisé du test en question. S'il n'avait pas été d'accord, pour un motif ou un autre, je n'aurais pas insisté. Mais il m'a laissée faire...
Et voici que les RESULTATS DU GRAND TEST ANTI-TROLLS sont tombés.
Alors, d'abord, en remarque préliminaire, dire que je me suis bien amusée. Cela faisait longtemps que je ne me "lâchais" plus chez Assouline, à cause précisément des trolls, et j'ai retrouvé une spontanéité perdue depuis longtemps. Ca fait du bien.
Ensuite, j'éprouvais le sentiment assez ravigorant de manipuler à mon tour les manipulateurs. Dans "les fantômes du Chapelier", Serrault/Labbé, marchant devant Aznavour/Kachoudas, fait mine avec ses mains de répandre du grain, comme on le fait quand on appelle les poules. J'imitais en fait cette scène, et je riais sous cape.
Et j'étais curieuse du résultat.
Ah ah ah...
Allez, un peu de suspense ne nous fera pas de mal, pas vrai ?
Et s'agissant de ces pauvres malades du ciboulot que sont les trolls, cette musique-ci me semble bien adaptée :
Vous dire cependant, que le premier jour du test, j'ai déposé 2 commentaires chez Assouline, reçu 5 réponses "normales" et subi 17 "scuds trollesques". Ca partait fort...