L'autre avantage, à s'être baladés sur la côte "en semaine" , c'est de ne pas y aller ce week-end !
Non que la mer soit moins belle le dimanche que le jeudi, mais c'est que la foule, elle, n'y est pas... Et surtout pas les affligeants "murs" de caravanes camping-cars et autres mobli home qui garnissent désormais les parkings de bords de mer : ah, il n'y a rien de gracieux ni de folichon là-dedans. On croirait visiter un concessionnaire d'électro-ménager, en plus grand, et il faut contourner ces sortes de frigos géants, renversés et allongés tristement les uns à côté des autres, pour apercevoir un bout de bleu.
Et le terme de "frigos" n'est pas si déplacé que cela : les propriétaires de ces coûteux véhicules, s'ils ont le fantasme du voyage et de la liberté, ont en réalité l'instinct grégaire du mouton et la mentalité de l'escargot. Ils transportent leur cuisine, leur chambre et leur salle de bains avec eux. Tant pis pour la senteur iodée de l'océan, la douceur du soir, la liberté de la solitude : on grimpe dans le mobil home, on referme la porte, on lave sa salade dans le minuscule évier, on y allume la télé (!!!) et on reste "entre soi". Ne surtout pas suggérer que pour le prix de la coquille, on pourrait s'offrir le luxe (si c'en est un) d'une liberté de mouvements qui commencerait par lever le nez, respirer large et étendre les bras, sans toucher aucune paroi... Mieux vaut se recroqueviller dans son frigo à roulettes, sans doute...
C'est un point de désaccord avec Clopin, cette histoire de camping-car. Lui a la nostalgie des années 70, des "combi volkswagen" qui, avec un minimum d'équipement à l'intérieur, partaient gaillardement à l'assaut des routes et ne s'arrêtaient qu'au bord des montagnes afghanes (et généralement pas très loin des champs de pavots). Camping sauvage, saucisses grillées sur un feu de bois au bord des prés, baignades à poil dans les rivières, haltes chez les potes, kilomètres avalés en montant et descendant, façon montagnes russes, les petites routes sinueuses et verdoyantes, errance heureuse : l'esprit, littéralement, de vadrouille, assorti du côté "joujou" des astuces de campeur. Savoir utiliser toutes les fonctions du couteau suisse... Mais le monde a changé, au moins en Europe, et le sauvage de la chose se heurte désormais aux monotones autoroutes, se restreint à l'habitacle du "mobil home", qui s'acharne à reproduire, en plus étriqué encore, le contenu d'un appartement HLM, se soumet enfin aux arrêtés municipaux qui vous guident fermement vers des emplacements équipés (et payants) et à la nécessité d'obtenir du courant, de l'eau potable, des provisions de supérette sans même parler, bien sûr, de la vidange des cabinets. La merde, quoi.
Vous direz que c'est la loi commune, et que je suis bien anti-démocratique, à déplorer ainsi le mauvais goût et l'esprit HLM de mes contemporains. Les retraités n'ont-ils donc pas le droit de profiter, eux aussi, des plages, en mangeant leur mauvaise tambouille, certes, mais la leur, et en ayant l'illusion de faire ainsi des économies ? (car si l'on songe au prix des camping cars et de l'essence qu'ils nécessitent, sans compter les frais annexes, les petits restaurants, les hôtels, les auberges deviennent tout de suite plus abordables, d'autant qu'il en existe à tous les prix, sur la côte... ) Insoluble équation, décidément, que l'esprit de vacances et le tourisme de masse. Je mettrai donc mon rejet des camping cars sur le compte de mes contradictions intimes, et je continuerai à savourer mes petits bonheurs à moi, même s'ils sont restreints à l'immobilité de ma demeure, et tout enclos dans le pré du bas.
Et en plus, ces petits bonheurs ont de longues et duvetées oreilles, n'est-ce pas !