Hélas. La catastrophe sismique qui frappe le Népal n'a éveillé, quand je l'ai entendue, au départ distraitement, puis le coeur battant, à la radio, qu'une seule et immédiate réaction de ma part : le besoin urgent de savoir où était ma grande soeur ?
Elle était partie précisément dans ces parages, et m'avait parlé de son périple Tibet-Népal, de son souhait d'aller au camp de base de l'Everest, de son attirance renouvelée pour ces contrées : et si j'avais noté son énergie (parce qu'elle n'est plus toute jeune...) et son émotion, je n'avais pas pris garde aux dates exactes de son voyage...
Tout de suite rassurée (ma grande soeur est rentrée depuis une semaine !), j'ai eu honte de mon indifférence : l'annonce de la catastrophe me laissait "froide", en réalité, seul le sort de ma soeur et de mon beau-frère m'avait inquiétée...
Je me rassure en me disant que "je suis comme tout le monde", et que "tout le monde" réagirait comme moi... Mais je n'en suis pas si sûre : cette terrible indifférence m'accable, en vérité, et si je sais que d'autres se mobilisent, cela ne cautionne pas mon égoïsme.
D'autant que la contrée frappée est le "toit du Monde", et que cela, outre la compassion ou l'empathie, devrait nous inquiéter, en fait...
Je suis bien entendu humaine dans mes réactions, mais hélas : trop humaine, je trouve.
Il en est de même dans mes rapports avec le Clopinou. Nos "discussions" (qui s'étaient disons "interrompues" pendant l'adolescence d'icelui), devraient reprendre, maintenant qu'adulte, il possède le "feed back" qui lui permet de tenir une conversation, et que je suis curieuse de ses opinions...
Mais nous dérapons cependant lui et moi très vite dans le "rugueux" !
Ainsi, nous avons tenté de discuter des "jeux vidéo", ou plus précisément, du barème des mises en garde apposées sur les pochettes.
Je rappelais avoir été troublée quand, systématiquement, Clopinou me faisait lui offrir un jeu vidéo marqué "+ de 16 ans", (voire "+ de 18") alors qu'il en avait 13. Je voyais, de sa part, l'attrait dangereux de l'interdit, et de la mienne, une sorte de laxisme fataliste - parce que c'est une question qui a été récurrente pendant son adolescence : j'étais vraiment réticente à outrepasser la mise en garde, et à chaque fois, Clopinou devait user de vraiment beaucoup de salive.
Je me souviens même avoir interrogé, à l'époque, il y a sept ou huit ans, Aurélien Férenczi, critique cinéma à Télérama avec qui j'étais en relations : plus jeune que moi, adepte des jeux, que pensait-il de la position du Clopinou, qui haussait systématiquement les épaules quand on lui parlait des barèmes de mise en garde, et décrétait "qu'aucun joueur de jeux vidéo n'aurait pu mettre en place un barème aussi absurde, donc c'était des gens qui n'avaient pas conscience de ce qu'était vraiment un jeu vidéo (sous-entendu : "infoutus d'y jouer car trop vieux, comme mes parents") qui avaient pondu ça".
Aurélien m'avait rassurée sur les jeux désirés par Clopinou qui, d'après lui, "ne risquait effectivement pas grand'chose", même s'il jouait à "Assassin's creed", où le héros beau, fort, souple et intelligent est cependant un assassin de l'ombre, sans scrupules, au poignard dissimulé dans la manche et violent "par nature". Mais même si je faisais confiance à mon fiston pour distinguer la réalité du virtuel, il n'empêche que je n'ai jamais été bien sûre de moi à ce sujet...
Clopinou, dans la discussion du jour dernier, a d'abord développé le même argumentaire, et il s'est emporté quand j'ai tenté de lui montrer qu'on ne peut mettre en cause une idée, simplement en déligitimant celui qui l'exprime.
Parce que je suis persuadée que ceux qui ont "pondu le barème absurde" ne sont pas "des vieux croûtons qui décident à tort des mises en garde, alors qu'ils ne savent même pas jouer". Je pense que ce sont des psychologues, des législateurs, des éducateurs qui ont planché sur le problème de la dangerosité des jeux vidéos.
Clopinou est alors allé plus loin dans son raisonnement : d'après lui, c'est la nature même du barème qui serait inadaptée, parce que ne correspondant pas à la réalité du joueur.
Le jouer de jeux vidéos violents n'est pas attiré par le franchissement des interdits moraux, d'après lui. "Le mécanisme de l'identification n'est pas le même qu'au cinéma, ou qu'avec la lecture. C'est la progression du jeu qui amène à tirer sur "un monstre de l'espace", par exemple. C'est la résolution de cette progression qui intéresse le joueur, non l'identification à un "héros". Cette différence entre "joueur" et "héros" rend imbécile un barème appliqué, non pas arbitrairement mais de manière mécanique. Une arme dans la main du joueur vidéo? Hop, "+ 16 ans", alors qu'à la télévision, au cinéma, Terminator n'est interdit qu'au moins de 12 ans, et que "ça défouraille à tout va", et que l'identification "est bien plus complète au cinéma que pour un jeu vidéo".
Je trouve la discussion très intéressante, et je saisis à peu près ce que Clopinou veut dire. Mais quand j'ai tenté d'aller plus loin, en lui disant que ces barèmes, pour lui arbitraires, étaient peut-être mis en place non pour protéger les joueurs "lambda", mais pour protéger les plus faibles d'entre eux, ceux qui, livrés sans défense aux écrans, sans dialogue avec les parents, sans contrôle, peuvent quitter la "réalité" et se réfugier dans le "virtuel", la discussion a dégénéré, comme au beau milieu de l'adolescence du Clopinou.
Clopin, lui, avait décidé dès le départ que la discussion l'ennuyait, et que de toute façon, Clopinou et moi étions aussi insupportables l'un que l'autre. La petite amie du Clopinou, elle, semblait effrayée - et c'est vrai que Clopinou et moi, dès que nous ne sommes pas d'accord, "montons dans les tours" à la vitesse grand V.
Mais du coup, la question est restée en suspens...
Finalement, Clopinou aussi est humain, trop humain...