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15 mai 2015 5 15 /05 /mai /2015 10:38

La cruauté du temps qui passe est double. D'abord, elle s'attaque impitoyablement à nos corps, les enlaidissant, les alourdissant - et bien entendu, les premiers signes du délabrement final arriveront tôt ou tard. Mais ensuite, par un raffinement presque sadique, elle rend toujours plus pénible le nécessaire détachement dont il nous faudra faire preuve.

Jeune, occupée de moi ou plutôt "inoccupée", avec ce sentiment d'être transparente aux autres, cet étonnement devant l'attention que l'on pouvait parfois me prodiguer, cette inutilité sociale et ce manque absolu d'ambition, je ne remarquai rien de ce qui se passait dans le monde sensible. Oh, certes, à côté d'autres, j j'ai manifesté  contre le nucléaire et la corrida, j'ai réclamé toujours plus de justice et de  douceur à un monde qui n'était visiblement pas fait pour ça, et qui a d'ailleurs joyeusement haussé les épaules devant mes imperceptibles murmures (même si je criais fort !). 

 

Mais je pouvais envisager, sans en souffrir plus que cela, une vie citadine, loin des champs, avec seulement un chat ou deux comme présence animale autour de moi.

Si je n'étais pas partie de la Ville, il aurait sans doute été plus facile d'admettre qu'un jour, la beauté des printemps n'existera plus pour moi.

Mais voici : vivant aux champs désormais, il m'est impossible de n'être pas touchée par la formidable force vitale de la végétation, des naissances, de la vie en un mot...

 

C'est paradoxal, mais plus je vieillis, plus mes printemps sont beaux. Et plus ils seront difficiles à quitter.

 

Ah, si j'avais un seul  souhait à formuler désormais au génie de la lampe, ce serait de partir au coeur des mois noirs, en décembre, janvier, ou février, par un hiver bien luguble et bien froid, recroquevillée dans un coin obscur...

 

Tant mourir au printemps me devient une idée insupportable...

 

 

 

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Published by clopine
12 mai 2015 2 12 /05 /mai /2015 13:46

Je vous avais raconté mes craintes pour notre grand âne... Eh bien, voilà : Clopin a fait venir un deuxième vétérinaire (comme on demande un deuxième avis médical), et le diagnostic est bien moins pessimiste.

Le vétérinaire estime que non, un âne de 24 ans seulement ne mérite pas d'être euthanasié sans qu'on ait essayé, auparavant, des traitements complémentaires. Anti-parasitaires, tout d'abord. Et puis un médicament améliorant la flore intestinale. Poursuivre bien entendu la lutte contre l'emphysème et remettre l'âne à l'herbe... Déjà, la boîterie dûe à la fourbure a quasiment disparu...

On fera le point dans un mois.

Et peut-être reverra-t-on très bientôt notre Dagobert courir dans le pré du bas ???

 

L'espoir renaît tant que j'en bougerai bien moi aussi mes grandes oreilles !

 

 

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11 mai 2015 1 11 /05 /mai /2015 11:28

J'organise donc, le samedi 23 mai, une sorte de "journées portes ouvertes" autour des albums photos de Jim - qui en aura confectionné toute sa vie, avant que sa terrible maladie ne l'en empêche.

Comme il faut vendre la petite maison de Rouen pour des histoires de sous (l'EPHAD, ça coûte !) , et qu'avant de la vendre, il faut la vider, ces albums, en bien trop grand nombre pour être "récupérés" par la famille (qui a sélectionné la dizaine qui la concerne), étaient promis à la benne à ordures...

C'était vraiment trop dommage, car les albums témoignent, non seulement du passé, mais des différentes périodes de la vie de Jim. Sa vie de jeune étudiant à Rouen, la période "Etreville" auprès de N., sa compagne d'alors, et de sa fille M., la période de la rue Eau de Robec à Rouen, puis la colocation à 7 ou 8 rue Muller, enfin la petite maison de la rue Louvet, avec Clopinou et moi. Quand nous en sommes partis pour rejoindre Clopin, en 99, l'album "la vie continue" s'est arrêté sur une seule photo : des traces solitaires de pas dans la neige... Jim continuait seul, et puis tout ça s'est arrêté.

je suis persuadée que c'est une bonne idée que chacun puisse choisir, au gré des albums, les photos du passé : c'est une sorte de reconnaissance de l'amitié de Jim, qui s'en "nourrissait", qui en avait tant besoin. C'est aussi une trace de nos différents parcours, et de nos sincère tentatives de "vivre autrement" qu'en reproduisant les modèles parentaux, tentatives qui ont bien entendu largement échoué, pour la majorité d'entre elles...

Mais c'est une gageure : combien de copains feront le déplacement ? A peine une poignée, et encore... Avec bien des atermoiements. Les belles utopies des jeunes années ont parfois cédé la place à des rancunes tenaces, des exclusions, des "excommunications". Je n'en suis moi-même pas sortie indemne, n'est-ce pas, me fâchant avec celle-ci, ou celle-là. Les motifs de dispute, souvent dérisoires, cachaient en fait de bien plus profondes divergences, des sortes d'incompatibilité de vue et de vie... Comme Sartre avec Camus ? Eh oui, je le dis avec un sourire parce qu'il faut bien entendu relativiser, mais à un moment donné, même avec l'envie de l'amitié, (et dieu sait que, pour mon cas perso, cette envie m'a si souvent conduite à avaler quelques couleuvres de la plus belle couleur...), les parcours s'éloignent les uns des autres.

Soupir. Je sais déjà que samedi, untel ne viendra pas "parce qu'il pourrait croiser" tel autre... Et que ceux qui feront l'effort de venir auront sans doute bien des réticences, des arrières-pensées, des regrets ou une petite amertume. J'espère que les photos de Jim (bon sang, que nous étions jeunes, et que nous étions beaux !) seront plus fortes que les mesquineries dans lesquelles il serait si facile de tomber...

Et si personne ne vient, j'aurai toujours la ressource d'écouter Villon...

"Que sont mes amis devenus

Que j'avais de si près tenus

Et tant aimés ?

Ce sont gens que le vent emporte

Et il ventait devant ma porte

L'amour est morte..."

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5 mai 2015 2 05 /05 /mai /2015 09:58

C'est au mois de mai, le joli mai, que Beaubec  devrait commencer à resplendir. Comme tous les ans, les pommiers ont mis leurs robes de mariées, et les petits agneaux à tête noire  nouveaux-nés gambadent dessous, croyant qu'il en sera ainsi pour toujours...Les hirondelles (elles sont au moins une dizaine ) traversent à toute vitesse l'air au-dessus des herbages. Et même si nous avons une bonne quinzaine de jours de retard sur d'autres régions, notre glycine fleurit, nos  pois de senteur embaument et nos  lilas s'ouvrent.

Et la nouvelle petite troupe de canetons et d'oisons se dandine gravement, dans un joli tapage, tous les matins au départ vers la mare ;  bien serrés en ordre de marche : un coup de cul plumé à gauche, un coup de cul plumé à droite...

Pourtant, mon coeur est moins léger que d'habitude. Oh, pas à cause de la pluie qui vient en averses, (un peu) gâcher le bal - ça, ce n'est même pas un souci : une habitude, tout au plus...
 

Non, ce qui obscurcit le printemps, c'est l'état de notre grand étalon, l'âne Dagobert, grand noir du Berry.

C'était lui, le roi de Beaubec : un souverain paisible, bienveillant, soumis et affectueux. Dès que je prononce son nom, je le revois attelé à la carriole, et prenant de lui-même, sans sollicitation, son allure préférée : un trot facile et puissant. Bon, la vérité m'oblige à préciser que c'était surtout au retour des balades qu'il rentrait ainsi, le plus rapidement possible, rejoindre Quenotte dans le pré du Bas. Mais c'était un vrai plaisir de le voir travailler : jarrets tendus, muscles en pleine action, croupe ample, poil luisant et fière allure... Sur combien de chemins nous a--t-il ainsi menés, avec cette aisance de bête sûre d'elle-même ? Le Clopinou a quasiment été élevé dans cette carriole, c'est dire...

 

Hélas, nous en sommes aujourd'hui à contempler la fin de son règne. Pourtant encore jeune pour un âne (24 ans),  Dégobert, s'il était humain,  ressemblerait à un vieillard diminué. Son poil devenu rêche, ses côtes saillantes, ses muscles fondus.... La plupart du temps, il reste désormais couché, ce qui est très nocif pour les équidés, et ses oreilles pendent vers la terre, pendant qu'il somnole. Il mange pourtant, encore, se redresse pour aller à l'étable - vient toujours chercher la carotte dans nos mains.

Mais il fait peine à voir.

Le vétérinaire, appelé, n'a certes pas fait preuve d'un grand optimisme. Nous essayons un traitement à base de vermifuge, puis un second pour soigner une éventuelle fourbure. Mais nous savons tous qu'à moins de croire en la résurrection, Dagobert ne pourra continuer longtemps ainsi...

Une décision, si aucun traitement ne marche,  devra être prise : le terrible balancier entre une vie certes prolongée mais  aux prix de quelles souffrances ?, et une fin provoquée mais apaisante, a commencé à parcourir lentement nos cerveaux. Comme le mouvement d'une faux coupant lentement mais inexorablement l'herbe tendre et verte du printemps beaubecquois...

 

Et cette fin de règne fait peser le lourd poids d'une couronne de tristesse, posée sur ma demeure entourée. 

 

 

 

 

 

 

 

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28 avril 2015 2 28 /04 /avril /2015 08:38

Clopinou commence à réviser son oral (des fois qu'il soit reçu à l'écrit), et, pour mettre le plus de chances de son côté, il a sélectionné quelques livres... Bon, presqu'uniquement de la philosophie, avec son Bergson adoré, un détour par Guy Debord (notez qu'il a le bon âge pour ça !) et des anthologies philosophiques.

J'ai glissé un mot ou deux en faveur de la littérature, mais visiblement, Clopinou n'y est pas sensible. Trop sentimentale, sans doute, pour l'esprit cartésien et intellectuel du jeune homme.

A-t-il tort, ou raison ? Allez savoir. Il est tout entier du vingt et unième siècle, et la littérature est-elle encore de ce siècle-là ? Soupir...

En tout cas, moi qui suis du siècle dernier,  donc littéraire, j'ai quand même chipé un bouquin dans le tas : "Spinoza avait raison", d'un certain Damasio, par ailleurs neurobiologiste.

Parce que ce  livre traite justement des émotions, et des sentiments.

Et à cause de Jim, bien sûr. La fréquentation d'un malade d'Alzeihmer, le spectacle de ce cerveau qui se détruit irrémédiablement, pour horrible qu'il soit, et douloureux, n'en éveille pas moins une intense curiosité sur la façon dont le cerveau fonctionne. Et j'espère  que Damasio va m'apporter quelques réponses, à défaut de remèdes...

C'est donc encore et toujours Jim, malgré son état (ou paradoxalement à cause de lui), qui guide "à distance" mon intelligence et ma curiosité...

Décidément. Si les courbes de nos vies s'inscrivent dans des plans normés, à l'aide de deux grands axes, vertical et horizontal, nul doute que Clopin me servirait d'abscisse, et Jim d'ordonnée...

Ce qui, finalement, et contre toute attente,  me permettra  peut-être de déployer  une certaine harmonie dans la courbe  de ma vie ? Allez savoir !

En tout cas,  j'ai déjà échappé aux destins les plus tragiques,  ceux qui s'appuient sur les acides et les désordonnés (et les noms arrivent en foule, n'est-ce pas ?)

 

 

 

 

 

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27 avril 2015 1 27 /04 /avril /2015 09:19

Hélas. La catastrophe sismique qui frappe le Népal n'a éveillé, quand je l'ai entendue, au départ  distraitement, puis le coeur battant,  à la radio, qu'une seule et immédiate  réaction de ma part : le besoin urgent de savoir où était ma grande  soeur ?

Elle était partie précisément dans ces parages, et m'avait parlé de son périple Tibet-Népal, de son souhait d'aller au camp de base de l'Everest, de son attirance renouvelée pour ces contrées : et si j'avais noté son énergie (parce qu'elle n'est plus toute jeune...) et son  émotion, je n'avais pas pris garde aux dates exactes de son voyage...

Tout de suite rassurée (ma grande soeur est rentrée depuis une semaine !), j'ai eu honte de mon indifférence : l'annonce de la catastrophe me laissait "froide", en réalité, seul le sort de ma soeur et de mon beau-frère m'avait inquiétée...

Je me rassure en me disant que "je suis comme tout le monde", et que "tout le monde" réagirait comme moi... Mais je n'en suis pas si sûre : cette terrible indifférence m'accable, en vérité, et si je sais que d'autres se mobilisent, cela ne cautionne pas mon égoïsme. 

D'autant que la contrée frappée est le "toit du Monde", et que cela, outre la compassion ou l'empathie, devrait nous inquiéter, en fait...

Je suis bien entendu humaine dans mes réactions, mais hélas : trop humaine, je trouve.

 

Il en est de même dans mes rapports avec le Clopinou. Nos "discussions" (qui s'étaient disons "interrompues" pendant l'adolescence d'icelui), devraient reprendre, maintenant qu'adulte, il possède le "feed back" qui lui permet de tenir une conversation, et que je suis curieuse de ses opinions... 

Mais nous dérapons cependant lui et moi très vite dans le "rugueux" !

Ainsi, nous avons tenté de discuter des "jeux vidéo", ou plus précisément, du barème des mises en garde apposées sur les pochettes.

Je rappelais avoir été troublée quand, systématiquement, Clopinou me faisait lui offrir un jeu vidéo marqué "+ de 16 ans", (voire "+ de 18")  alors qu'il en avait 13. Je voyais, de sa part, l'attrait dangereux de l'interdit, et de la mienne, une sorte de laxisme fataliste  - parce que c'est une question qui a été récurrente pendant son adolescence : j'étais vraiment réticente à outrepasser la mise en garde, et à chaque fois, Clopinou devait user de vraiment beaucoup de salive.
 

Je me souviens même avoir interrogé, à l'époque, il y a sept ou huit ans,  Aurélien Férenczi, critique cinéma à Télérama avec qui j'étais en relations : plus jeune que moi, adepte des jeux, que pensait-il de la position du Clopinou, qui haussait systématiquement les épaules quand on lui parlait des barèmes de mise en garde, et décrétait "qu'aucun joueur de jeux vidéo n'aurait pu mettre en place un barème aussi absurde, donc c'était des gens qui n'avaient pas conscience de ce qu'était vraiment un jeu vidéo (sous-entendu : "infoutus d'y jouer car trop vieux, comme mes parents") qui avaient pondu ça".

Aurélien m'avait rassurée sur les jeux désirés par Clopinou qui, d'après lui, "ne risquait effectivement pas grand'chose", même s'il jouait à "Assassin's creed", où le héros beau, fort, souple et intelligent est cependant un assassin de l'ombre, sans scrupules, au poignard dissimulé dans la manche et violent "par nature". Mais même si je faisais confiance à mon fiston pour distinguer la réalité du virtuel, il n'empêche que je n'ai jamais été bien sûre de moi à ce sujet...

Clopinou, dans la discussion du jour dernier, a d'abord  développé le même argumentaire, et il s'est emporté quand j'ai tenté de lui montrer qu'on ne peut mettre en cause une idée, simplement  en déligitimant celui qui l'exprime.

Parce que je suis persuadée que ceux qui ont "pondu le barème absurde" ne sont pas "des vieux croûtons qui décident à tort des mises en garde, alors qu'ils ne savent même pas jouer". Je pense que ce sont des psychologues, des législateurs, des éducateurs qui ont planché sur le problème de la dangerosité des jeux vidéos.

Clopinou est alors allé plus loin dans son raisonnement : d'après lui, c'est la nature même du barème qui serait inadaptée, parce que ne correspondant pas à la réalité du joueur.

Le jouer de jeux vidéos violents n'est pas attiré par le franchissement des interdits moraux, d'après lui. "Le mécanisme de l'identification n'est pas le même qu'au cinéma, ou qu'avec la lecture. C'est la progression du jeu qui amène à tirer sur "un monstre de l'espace", par exemple. C'est la résolution de cette progression qui intéresse le joueur, non l'identification à un "héros". Cette différence entre "joueur" et "héros" rend imbécile un barème appliqué, non pas arbitrairement mais de manière mécanique. Une arme  dans la main du joueur vidéo? Hop, "+ 16 ans", alors qu'à la télévision, au cinéma, Terminator n'est interdit qu'au moins de 12 ans, et que "ça défouraille à tout va", et que l'identification "est bien plus complète au cinéma que pour un jeu vidéo".

Je trouve la discussion très intéressante, et je saisis à peu près ce que Clopinou veut dire. Mais quand j'ai tenté d'aller plus loin, en lui disant que ces barèmes, pour lui arbitraires, étaient peut-être mis en place non pour protéger les joueurs "lambda", mais pour protéger les plus faibles d'entre eux, ceux qui, livrés sans défense aux écrans, sans dialogue avec les parents, sans contrôle, peuvent quitter la "réalité" et se réfugier dans le "virtuel", la discussion a dégénéré, comme au beau milieu de l'adolescence du Clopinou.

Clopin, lui, avait décidé dès le départ que la discussion l'ennuyait, et que de toute façon, Clopinou et moi étions aussi insupportables l'un que l'autre. La petite amie du Clopinou, elle, semblait effrayée - et c'est vrai que Clopinou et moi, dès que nous ne sommes pas d'accord, "montons dans les tours" à la vitesse grand V.

Mais du coup, la question est restée en suspens... 

 

Finalement, Clopinou aussi est humain, trop humain...

 

 

 

 

 

 

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24 avril 2015 5 24 /04 /avril /2015 12:37

Piquée chez Assouline, cette belle formule de Gramsci, fondateur du PC italien :

 

"on  peut être pessimiste par l'intelligence et optimiste par la volonté".

 

J'ai d'abord pensé que cette formule pourrait, de nos jours, illustrer la majeure partie des combats sociaux et écologiques, tant l'intelligence nous amène à trembler pour l'avenir... Je verrai bien, par exemple, cette citation devenir la devise d'une association comme l'A.R.B.R.E. ! (voire Beaubec Productions...)

 

Mais elle me plaît trop, elle est trop énergique pour que je la cède aux potes. Non, je la fais mienne, et je me jure bien de m'en servir, le jour où mon intelligence me montrera clairement ma fin prochaine, car il faudra à ce moment-là que ma volonté vienne à la rescousse...

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22 avril 2015 3 22 /04 /avril /2015 09:45

Aujourd'hui, dernière journée d'épreuves écrites pour Clopinou : et me voici chamboulée. Oh, bien sûr, comme tous les parents au monde, je soutiens le fiston, croise les doigts, pense à lui et j'irais presque, si je n'étais si  mécréante, jusqu'à allumer des cierges dans toutes les églises des environs.

 

Mais pourtant, ce Concours a un autre goût que les épreuves scolaires que le Clopinou a déjà  passées. Disons que mon implication a changé. Est-ce parce que je ne comprends plus ses dissertations, qui sont désormais hors de mon champ intellectuel, que je ne peux plus "suivre" (et encore moins contrôler, ou apprécier) le travail effectué ?

 

Est-ce parce que Clopinou travaille désormais pour lui seul, qu'il décide sans nous de ses orientations, que ce concours est issu de son désir à lui et non du nôtre, bref, qu'il est désormais un adulte, oh, un jeune adulte n'est-ce pas, dépendant financièrement et  avec la goutte de lait encore au bout du nez, mais adulte néanmoins ?

 

Est-ce parce que mon rôle est fini ? S' il échoue, il est prévu qu'il "cube", mais sans plus résider à Paris : il a déjà organisé l'année éventuelle de redoublement, partagera une colocation à Rouen et ne se rendra plus qu'à quelques cours à la Sorbonne, en train : Beaubec ne sera au plus qu'une sorte de "base arrière", pour lui...

Je me souviens de ma conviction d'antan : les parents ne sont qu'une piste de décollage pour les enfants.

Clopinou, visiblement a non seulement pris son envol, mais  il me semble même devoir commencer à plisser les yeux, pour continuer à le repérer dans le ciel.

Ce qui n'est pas, n'est-ce pas, sans me causer une certaine mélancolie. Clopin s'en tire à mon avis mieux que moi, parce qu'il est déjà passé par là avec son premier fils. Mais néanmoins : l'essor des enfants, c'est la vieillesse des parents.

Je voudrais pouvoir mettre en garde Eric Chevillard, l'heureux père de deux toutes petites filles. A peine se sera-t-il retourné, qu'elles ne seront plus là...

 

 

 

 

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15 avril 2015 3 15 /04 /avril /2015 10:39

Je ne sais pas vous, mais quand on lit un livre de Pascal Quignard (pour moi, le premier fut "le sexe et l'effroi", puis quelques autres dont la "Villa Amalia", et actuellement "Mourir de penser"), on se perd dans la contemplation de cette pensée-là. Plus précisément : de ce cerveau.

 

L'image qui me vient tout naturellement, s'il sagit de décrire le cerveau de Pascal Quignard,  est celle du cloître ultime de l'abbaye du Mont-Saint-Michel. Quiconque a gravi les marches et s'est retrouvé, sur cette dernière île occidentale, au point du bout du continent, sur ces quelques mètres carrés de sol tout entiers tournés, "dédiés", happés par le  Spirituel, avec cette vue panoramique sur le monde mouvant, coloré, illuminé de la Baie, ne peut que ressentir la force du "rêve, de la lecture, de la pensée et de la méditation" :  à savoir le programme même de Pascal Quignard.

Le paradoxe est bien entendu que, pour lui (comme pour moi d'ailleurs...), le ciel qui aspire le cloître du Mont est vide. Comment donc le cerveau de cet érudit, (ce cloître ultime où Quignard vient contempler la finitude humaine) peut-il concilier tous les mythes,  toutes les croyances de l'antiquité grecque et romaine, toute l'histoire religieuse,  bref, tout ce savoir "magique"  qui est à  la base de son travail d'écriture, avec la froide certitude de l'athée ?

 

ah là là.

 

Il serait sans doute si commode, pour lui, de tomber dans le religieux. Son érudition étourdissante le prédisposerait à prendre la première place de n'importe quel carmel, et la nature de ses préoccupations intellectuelles est si proche, finalement, des mystiques monastiques qu'on pourrait (presque)  s'y tromper. Et le physique de Quignard,  l'intensité de son regard comme "happé" par l'introspection, la raucité de sa voix, la douceur de ses mouvements et cette manière timide de regarder autrui  ne sont pas si loin de l'onctuosité sacerdotale...

 

Mais peut-être n'ai-je ressenti tout cela qu'à cause du lieu où je suis allée l'écouter et le voir (pour la première fois) : au beau milieu du choeur de l'abbaye de Saint-Denis. Un lieu où l'écrivain s'est ouvertement réjoui "de pouvoir parler latin sous la figure de Suger", alors que je pensais, moi, au côté "dyonisiaque" de la chose...

 

J'étais évidemment sous le charme, d'autant que j'avais lu, dans le magazine littéraire, les premières pages de Mourir de penser, et que je trouve que Rachord est certes le roi des Frisons, mais aussi le roi des Frissons, ahaha.

 

Je ne suis allée acheter le livre que pour obtenir une dédicace (je pouvais le télécharger sur ma liseuse, ce qui aurait été beaucoup plus confortable pour mes yeux) : ce!a  ne me ressemble pas mais en fait, j'avais envie, en réalité, de sortir Pascal Quignard de ce lieu, où pourtant sa présence semblait si naturelle, pour le "promener" dans le Saint-Denis contemporain : au milieu de cette foule getthoïsée, devant ces barres d'immeubles comme des dominos salis, face à ces entrées de parking où, tranquillement, les trafics de drogue s'opèrent quasiment ouvertement, à quelques pas des écoles primaires... Mais bien entendu, il était hors de question que j'ose proposer une promenade de ce genre à l'écrivain - moi qui ne suis rien,  ni personne.

 

Je m'y suis prise autrement.  "Rien, ni personne", peut-être, mais je suis pourtant  Clopine Trouillefou, nom de dieu ! J'ai rassemblé les qualités  d'audace et de désinvolture de mon aïeul, qui, tout gueux qu'il était,  s'adressait cependant  avec une  familiarité toute naturelle  à l'ambassadeur des Flamands, et j'ai donc eu l'honneur de dicter mon  nom à Pascal Quignard, qui était embarrassé pour l'écrire : 

"- Vous dites "Trouille... quoi ?

- Trouille fou, f, o, u..."

ajoutant même, pour faire bonne mesure dans la clopinerie,  "eh oui, il était balèze, Victor Hugo, pour trouver des noms..."

 

J'ose l'avouer : je rigole encore quand je repense à cette courte scène (wouarf). Moi DICTANT quelque chose à Pascal Quignard. Grands dieux. 

 

Mais peut-être notre rencontre (sans doute vaudrait-il mieux parler de "non-rencontre", car l'exercice de la dédicace est bien le dernier lieu où une conversation peut se dérouler) n'était-elle pas si incongrue que cela. De tout ce que  l'on sait de lui, on déduit que la pensée de Pascal Quignard doit être froide, voire même glacée. Mais pourtant, quand moi je le lis, outre de l'humour, je trouve de la chaleur quotidienne, je dirais presque "domestique", dans cette écriture-là. Tenez,( allez zou, tant qu'à se répandre comme je le fais dans ce récit, autant aller jusqu'au bout), lisez ceci :

 

" A la fin de la nuit, quand les chats quittent les coussins, quand tout à trac ils renoncent au point d'eau qui luit dans l'ombre sur le carrelage rouge de la cuisine, quand ils passent sans le voir devant le bol rempli de croquettes, quand ils gravissent avec leurs pattes de velours les marches de l'escalier qui monte à la chambre, quand ils poussent du front la porte ou qu'ils abaissent la poignée d'un coup de patte, ils ne grimpent pas sur le lit, ils ne piétinent pas le torse de leur maître pour le réveiller comme nous en avons, chaque aube, l'impression pénible ou irritée ; ils ont détecté de très loin l'arrêt du sommeil ; ils surprennent le réenclenchement neurologique. Sentant que le radiateur de pensée s'est remis en route, ils ne tolèrent pas qu'on feigne de dormir ou qu'on chercher à gratter des secondes sur la nécessité de se lever. Se fait alors un branchement neurologique de cerveau à cerveau ; non pas de signification à signification ; mais d'activité cérébrale à activité cérébrale. Les chats détectent l'électricité (...) Ils captent. (...). Ils se dirigent là où la pensée est plus chaude."

 

Comment ne pas assurer Pascal Quignard de ma plus sincère et plus profonde admiration, et comment ne pas croire, in fine, que si j'ai osé me diriger vers lui, c'est peut-être parce que j'avais senti, précisément, la chaleur de cette pensée-là ?

 

 

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3 avril 2015 5 03 /04 /avril /2015 10:44

Pire encore que les trolls : les pubs.

Clopin voudrait que je paye la somme requise pour m'en débarrasser, mais je n'ai pas du tout du tout aimé la manière dont overblog a tenté de me forcer la main...

Une seule solution.

La disparition.

(mais dès que j'aurai ouvert clopineries sur blogpost, je vous préviendrai !)

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