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14 janvier 2015 3 14 /01 /janvier /2015 13:03

Voici ce que j'ai envoyé à l"'instant  à Libé/Charlie :

 

Bonjour tout le monde, aux Libé et aux CHARLIE.

Hier, j'ai envoyé un message ici même, gentiment provocateur (à mon sens), parce que quand même : nous les abonnés "historiques" de Charlie, nous qui avions répondu par de modestes dons à l'appel des dernières semaines, notre petit don est désormais noyé dans la manne de pognon qui, depuis ce matin, se déverse de partout...

Faut nous comprendre, nous, les abonnés canal historique. C'est quand même ironique, de s'être fendus d'une somme le 4 janvier (100 euros pour être précis, on roule pas sur l'or forcément quand on est un lecteur de Charlie depuis 40 ans !) alors que désormais, z'en ont plus vraiment besoin...

Mais ma démarche d'hier , pour ironique qu'elle soit, (je demandais à "être remboursée", en tentant d'être drôle...) ne me convenait pas.

En fait, ce n'est pas "être remboursée" que je veux. C'est avoir un tout petit tantinet d'existence, nous les minuscules grains qui, comme les Charlie, avons été proprement noyés dans la déferlante, et que notre pognon soit utile, parce que c'était pour ça qu'on l'avait envoyé... "avant"...

ALORS J'AI TROUVE ET CECI EST UN APPEL A LA REDACTION DE CHARLIE

Je trouverais VACHEMENT BIEN que les abonnés historiques de Charlie, ceux qui ont TOUJOURS répondu présents quand il fallait soutenir financièrement le journal, soient un peu "sortis du lot" commun des donateurs d'"après". Nous, on en avait certes pas besoin de l'"après"...

ALORS tous  les abonnés  qui ont donné en novembre, décembre, un peu de pognon pourraient transformer leur don à Charlie en don à la discrétion de LUCE LAPIN,
D'une pierre deux coups : nos dons surnagent ainsi de la manne actuelle,  et ça fait plaisir à LUCE LAPIN.

En plus, y'a que les habitués qui savent qui est LUCE LAPIN, et à quoi elle va utiliser ce pognon !

ELLE EST PAS BELLE MON IDEE ?

SISISI

En tout cas, MERCI DE LA TRANSMETTRE, perso je vais la mettre sur mon blog et sur facebook (mais bon, y'a 50 pleupleus qui me suivent, alors...)

DONC nous soussignés les TROUILLEFOU, abonnés et  donateurs d'une somme de 50 euros chacun, en décembre et le 5  janvier 2014 à l'ordre de CHARLIE HEBDDO, demandons que ce don soit transféré AUX BONS SOINS DE LUCE LAPIN;
FAIT A BEAUBEC LA ROSIERE POUR SERVIR ET VALOIR CE QUE DE DROIT
(c'est pas beau, le vocabulaire administratif, hein ?)

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14 janvier 2015 3 14 /01 /janvier /2015 11:05

14 janvier 2015 : comme toutes les autres semaines, voici Charlie Hebdo dans notre boîte aux lettres…


Sauf que là, on est des millions à l’acheter. Nous, les abonnés « canal historique », nous regardons cela avec une certaine ironie. Penser qu’il y a 15 jours à peine, nous étions si peu nombreux à revendiquer « l’esprit Charlie » - au point que le journal, comme cela lui arrivait parfois, faisait appel à la générosité de ses lecteurs !

 

Nous avions envoyé, Clopin et moi, chacun 50 euros à « notre » hebdo, au tout début janvier. Aujourd’hui, je trouve qu’on devrait nous rembourser, merdalors, quand on songe au pactole qui va entrer dans les caisses…

 

Bon, je déconne (encore que, 100 euros, c’est peut-être rien pour eux maintenant, mais à Beaubec ça reste des sous !) – parce que ces sous-là, je m’en vais demander qu’ils soient utilisés pour les couronnes mortuaires. Avec un frisson, tant le souvenir de l’horrible a semblé s’éloigner dimanche, et pourtant, rien ne fera revenir nos tontons flingués !

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12 janvier 2015 1 12 /01 /janvier /2015 09:40

 

C'était, je crois, l'argument  principal,   avancé par les réfractaires de la "marche citoyenne" : la "récupération politique", par tous les bords. Certes. Sauf qu'hier,  les millions de marcheurs étaient si diversement bras dessus-bras dessous, ensembles dans leurs différences ontologiques,   qu'ils finissaient, à force, à ne  représenter qu'eux-mêmes, et rien de plus : aller gratter quelque chose là-dessus, vous...

 

En fait, mes potes anarchistes ou trotskystes qui appliquent leurs grilles d'analyse politique, suivant leurs convictions profondes et sincères, et donc ont refusé  de participer au rassemblement, soit parce qu'il "n'était pas question de défiler derrière Merkel ou Sarkozy", soit parce qu"accepter l'unité nationale, c'est accepter le renforcement d'un régime policier, en prévision de l'instauration d'une sorte de  Guantanamo à la française quoi, et abandonner l'internationialisme social", peuvent aussi (surtout ?) être soupçonnés d'anti-bisounoursisme primaire...

 

Tout le paradoxe était là. Nos "tontons flingués" (si j'emprunte au grand frère du Clopinou le concept de "tontons" pour qualifier les caricaturistes assassinés de Charlie Hebdo) étaient tout, sauf des bisounours. Alors le grand élan compassionnel, les Marseillaises entonnées à pleins poumons, les sourires aux policiers et la mine grave des grands de ce monde, le flot humain où le punk à chien (on en a vu un particulièrement conceptuel, tout y était, jusqu'au pack de Kro) côtoyait le loden de la bourgeoise (qui affirmait  "je suis Charlie" alors qu'elle se serait sûrement évanouie à la lecture de Maurice et Patapon, qui était quand même une sorte d'indépassable du scatologique !), cela "faisait rudement drôle".

 

Pas étonnant que l'équipe de Charlie, Pelloux en tête, se sente "écrasée" : voici les vilipendés d'autrefois, les "poils à gratter", les bouffons qu'on ne se gênait pas de couvrir d'amalgames aussi faux que nauséeux, promus au rang de Héros Républicains, de Sauveurs de la Patrie. Alors que, quand même, le bleu-blanc-rouge n'étaient pas leur palette préférée, et c'était souvent dans le rouge, le noir, sans oublier le vert écolo,  qu'ils plongeaient leurs stylos !

 

Très modestement, je crois que les abonnés ou lecteurs assidus de Charlie avaient eux aussi la tête qui tournait un peu (enfin, la mienne n'était pas très stable), hier : je me suis retrouvée plongée dans des tas de conversations, dont une particulière, avec deux "dames" qui ne connaissaient de Charlie que la fameuse une "Bal tragique à Colombey : un mort". Cette "une" les avait choquées, elles ne l'avaient même pas comprise, et m'ont demandé de la "décrypter". 

 

Je ne sais pas si j'ai réussi ma démonstration, parce qu'elles étaient"trop" : "trop" gentilles, "trop" respecteuses d'autrui, "trop" sincères dans une foi religieuse qui les protège  contre le sordide du réel, pour s'extraire suffisamment d'elles-mêmes pour rire enfin, d'un grand rire libérateur...Mais comment ne pas parler à qui manifeste avec vous . La douceur, l'urbanité qui régnaient dans cette manifestation étaient une grande première pour moi. Les gens n'avaient pas seulement envie de se parler : ils avaient surtout envie de se sourire !

 

Bon,  ce que je suppose, c'est que les tontons flingués, eux, auraient bien ri de voir mes efforts (sincères, en plus)  pour être au diapason de cette harmonie "universelle"... Mais qu'ils auraient été touchés, quand même, finalement, par la  douceur citoyenne  du Grand Bisounours Souriant qui a présidé toute la journée, et qui tentait de dépasser ainsi les crimes qui ont associé dans le sang juifs, flics, citoyens lambdas et Charlie.

 

A part ça, on a réussi à s'engueuler Clopin et moi (petite touche discordante dans l'universelle bienveillance de la journée), mais ça s'est arrangé, et puis on a eu un succès fou. Enfin, "on" n'est pas le vrai sujet. Ce sont surtout nos crayons qui ont été tellement photographiés qu'on s'attend, Clopin et moi, à les retrouver dans certains coins du web.

 

J'avais demandé à Clopin de nous fabriquer de "gros" stylos, qu'on pourrait brandir commodément pendant la manif et qui proclameraient "je suis Charlie". Clopin s'est appliqué, bien entendu, comme il le fait toujours, et il a ainsi concentré les trois concepts qui parcouraient la manif : à savoir le slogan "je suis Charlie", le symbole du "crayon" et la métaphore du "crayon = une arme".

 

et-pas-qu-un-peu--.jpeg

 

 

Voici la photo des crayons en question. Comme ils condensaient effectivement les concepts, ils ont attiré fortement l'attention - et j'en étais à la fois excitée et émue, toute "fiérote" quoi,   tout en relativisant, bien sûr.

 

Mais comment et pourquoi relativiser l'émotion, au fait ? N'est-elle pas aussi puissante que la raison et la révolte, finalement ? Je n'en sais rien encore, mais je dois bien avouer que j'ai été transportée, hier, de la République :

 

 

république

 

 

à la Nation :

 

la-nation.jpg

 

Et qu'importe si les "vrais" lecteurs de Charlie n'étaient qu'un minuscule  grain dans ce flot humain ? Qu'importe même si le prénom "Charlie" était ainsi "volé" à ses légitimes propriétaires, les auteurs, journalistes et dessinateurs, pour que tout le monde, c'est--à-dire n'importe qui, se l'approprie ? Qu'on l'appelle "liberté" ou "Charlie", ce grain-là ne peut mourir !!! 

 

Nos Tontons Flingués n'auraient pu s'empêcher de la trouver belle, la manif d'hier. Aussi belle que le regard grave et fier de  l'inconnue (qui pourrait s'appeler Marianne) qui les célébrait ce jour-là....

 

bureau.jpg

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10 janvier 2015 6 10 /01 /janvier /2015 13:38

J'aurais préféré qu'on attrape les tueurs vivants... Mais cependant, il y a du bon dans leurs morts. C'est qu'ils ont certainement cru mourir en bon djihadistes de base, à savoir les armes à la main, ce qui leur ouvrait les portes du paradis et leur garantissait la prime de fin d'année  de vie : à savoir la bonne grosse séance de baise avec  72 vierges (*).

 

Et bien  là, à l'heure où je vous parle, ils se la mettent grave sur l'oreille...

 

(*) :  bien entendu, le nombre ne peut compenser l'inexpérience, c'est  moi qui vous le dis  (sourire) !!!

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10 janvier 2015 6 10 /01 /janvier /2015 12:27

Je crois bien, ma parole, qu'à part une dizaine à peine manquant à l'appel,  TOUS les numéros de Charlie Hebdo sont présents dans la maison,  et ce, depuis 1969 : une malle pleine, une grosse pile et une plus petite, bien rangées, à côté du bureau, sur le palier. .


C'est vous dire à la fois notre génération, à nous deux Clopin et moi, et notre incapacité à repérer  quelle "Une" de Charlie pourrait bien nous avoir "le plus frappés" : elles nous ont TOUTES frappés. 

Ca se passait, je pense, chez nous,  à peu près comme chez tous les abonnés de Charlie. On attendait le mercredi, on descendait à la boîte à lettres pour remonter le journal, et autour de la table,  on faisait semblant de se le disputer. On se le "chipait", avant d'arriver à un accord raisonnable : on se partageait les feuilles... Avant de se les échanger... Et on lisait tout. Les éditos de Maris, les articles d'Onc' Bernard,  ben tiens, aussi !!!

On a vécu ensemble, voilà, je crois que cela résume à peu près notre parcours Charliehebdomadairesque. Ces derniers temps, comme on avait un peu plus de sous, on achetait aussi, systématiquement, les "hors-série" : "La vie de Mahomet" et celle de "Jésus" attendaient nos visiteurs, , posés sur un tabouret "dans les cabinets" (excusez-moi de préciser l'endroit, mais les Charlie,  EUX,  l'auraient parfaitement admis !) . Histoire d'avoir bien le loisir de les lire !  A côté, dans l'étagère au-dessus, un peu à l 'écart à cause des petits n'enfants, des opus de Maurice et Patapon... pas trop déplacés non plus ceux-là, dans cet endroit stratégique...  

Ce sur quoi je fonçais jusqu'à ces dernières semaines, sitôt ouvert le journal, c'était sur la "Vie des Jeunes", de Riad Sattouf. (au fait, quelqu'un a des nouvelles de lui ?) Je trouvais qu'il était vraiment le fils spirituel de Reiser, et j'ai été triste quand il a quitté l'équipe... Mais  au moins, il est vivant...

Comme Riad, comme tant d'autres chez Charlie, ce qui me confond le plus niveau talent, c'est cette capacité à nous VOIR, nous autres. Comprenez-vous ce que je veux dire ? Les caricaturistes nous regardent, NOUS TOUS,  dans la rue, le métro, au boulot ou en vacances, partout. Ils nous voient et d'un coup de crayon, ils nous volent nos identités, et les restituent telles qu'elles sont véritablement. Qui a dessiné  le Grand Duduche que nous avons tous été, et notre "beauf", celui que chaque famille possède ? Qui  a (enfin) soulevé  les jupes des filles, qui nous a écarquillé  les yeux devant l'état du monde ? Qui a dénoncé sans relâche, avec l'humour comme seule arme, toutes les langues de bois et les langues de putes qui s'adressent continuellement, depuis les robinets des médias, à NOUS ? 

... Je voudrais dire aussi que , Cabu, Wolinski, Honoré, Maris Charb et les autres  ne sont pas les "premiers morts" que nous avons vécus, nous les lecteurs abonnés de Charlie. Clopin avait filé, l'an dernier, aux funérailles de Cavanna, parce que... Parce que, quoi. . Et quant à moi... C'est à Michel Polac, qui a tenu un temps la rubrique "livres", que j'avais adressé le texte d'une petite nouvelle que j'avais écrite, il y a une dizaine d'années, et c'est Polac qui m'a répondu que oui, il fallait que je continue d'écrire...

... MAIS même si la vie continue, même si Charlie continue, même si l'intelligence, la liberté et l'insolence sont et seront toujours les plus fortes, ces derniers morts-là, comment faire ? Comment leur dire adieu ?

 Nous sommes tous Charlie, c'est entendu. Mais nous,  Clopin et moi, un tout petit peu plus que les autres, il me semble.
On a pas mal réfléchi, lu les réactions et les commentaires... De ce flot ininterrompu, je retiendrai :
- la demande de Gérard Biard s'adressant aux politiques et aux médias pour qu'on n'utilise plus jamais les mots "laïcard intégriste", afin de ne pas qualifier les victimes comme leurs assassins
- l 'article de Nicola Gardères "la sale gueule" : "L’attentat contre Charlie Hebdo a la ale gueule de Renaud Camus, d’Eric Zemmour et de Marine Le Pen. Il a la sale gueule de leur victoire idéologique."

- l'incroyable dignité et l'émotion des proches de Charlie, qui n'ont pas eu UN SEUL MOT de vengeance ou de haine...

- la nécessité, malgré les "récupérations", de marquer par un acte fort le rassemblement nécessaire de tous contre l'infamie.

 

NOUS ALLONS A PARIS DEMAIN.

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8 janvier 2015 4 08 /01 /janvier /2015 10:43
Je suis Charlie et Cabu, Charb, Wolinski, Tignous étaient mes tontons. Leurs dessins m’ont servi d’abécédaire. Ils m’ont appris à lire et surtout à penser. Ils m’ont appris que l’humour est une arme qui soigne. Ils m’ont appris que vivre l’esprit ouvert et critique est la seule façon de vivre vraiment. Ils m’ont appris que RIEN ne justifie la haine. Salut les tontons…                              Antonin

Je suis Charlie et Cabu, Charb, Wolinski, Tignous étaient mes tontons. Leurs dessins m’ont servi d’abécédaire. Ils m’ont appris à lire et surtout à penser. Ils m’ont appris que l’humour est une arme qui soigne. Ils m’ont appris que vivre l’esprit ouvert et critique est la seule façon de vivre vraiment. Ils m’ont appris que RIEN ne justifie la haine.

Salut les tontons…

                             Antonin

 

(et j'ajoute que le Clopinou a accompagné ses parents au rassemblement rouennais d'hier au soir. Comme ça, on se serre tous les uns contre les autres - même à des kilomètres de distance...)

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8 janvier 2015 4 08 /01 /janvier /2015 09:01

 

rouen2.jpg

(nous étions 4000 à Rouen)

 

 

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7 janvier 2015 3 07 /01 /janvier /2015 14:07

 

LA LIBERTE L'INTELLIGENCE ET L'INSOLENCE SERONT TOUJOURS LES PLUS FORTES

 

DONC VIVE CHARLIE HEBDO

 

ET MON COEUR SAIGNE POUR TOUTES LES VICTIMES DU FANATISME

 

 

RASSEMBLEMENT CE SOIR 18 H

PLACE DE L'HOTEL DE VILLE  A ROUEN

 

BEAUBEC PRODUCTIONS Y SERA

 

!!!

 

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5 janvier 2015 1 05 /01 /janvier /2015 16:33

Je suis sortie si épuisée de la période des fêtes que j'en étais presque soulagée d'aller, ce matin,  retrouver mon triste bureau : c'est dire, et c'en est étonnant, car rien ne justifie,  a priori, cette fatigue.

 

Certes, la maison s'est, au gré des allées et venues des uns et des autres, amplifiée puis rétrécie, pour de nouveau s'engrosser d'amis et de parents,  sans discontinuer,  et nous étions souvent nombreux à table. Mais enfin, il en est toujours ainsi, à Noël - et la fin de l'année 2014 n'a pas été exceptionnelle en ce sens. Cela me réjouit de recevoir les amis -qui viennent parfois de loin et bravent les routes d'hiver :  j'ai l'impression que la maison s'arrondit, se dilate, et que la chaleur qui y règne contribue aux sourires, comme les visages s'arrondissent dans les boules de noël..

 

Et puis j'aime faire à manger, servir des plats préparés avec soin, disposer de gaies assiettes sur les nappes blanches et rehausser le tout de la flamme des bougies. Je ne crois pas être coquette en ce qui concerne mon apparence, mais en apprêtant la maison, c'est un peu comme si je lui faisais endosser une tenue de soirée, comme pour une Dame sortant tard le soir et voulant être Chic.  Ces apprêts m'insufflent d'ailleurs  l'énergie nécessaire, et puis  la maîtrise de la cuisine, acquise au long de toutes ces années,  ma foi, me fait relever sans problème le défi de servir "tout mon monde", comme on disait autrefois.

 

Mais l'obscurité s'est resserrée à la fin de cette période :  quand, le 2 janvier, nous avons appris la mort du frère de Jim, à 62 ans,  qui laisse  derrière lui deux jeunes adultes entamant leurs études universitaires, la maman de 88 ans, la soeur handicapée mentale et enfin Jim, dans son Mouroir des Sapins. Que va-t-il advenir de la tutelle qu'assumait Gérard ? Comment cette famille si éprouvée va-t-elle affronter son avenir ? Quelle répercussions pour mon pauvre Jim, qui descend chaque jour un peu plus l'escalier en spirale de la déchéance ?

 

Et j'ai souvent  souvent éprouvé un sentiment d'impuissance ces jours derniers. J'écoutais ma grande soeur, et mon coeur se serrait pour elle, car elle exprime une certaine amertume dissimulée, par politesse du désespoir, sous la légéreté des rires et des jeux. Je ne crois pas avoir été d'une grande utilité pour elle...

 

Je n'ai pas non plus, à mon sens, su convaincre cette autre amie  d'aller chercher de l'aide, et pourtant, je ne peux  m'empêcher de penser qu'elle en a grand'besoin. Elle est âgée de 74 ans, et sans rien vous révéler de ses confidences, je peux cependant vous la décrire comme une femme exaspérée, de cette sorte d'exaspération exaltée qui vous conduit souvent aux pires décisions. Je me suis contentée, faute de mieux et dans cette disponibilité restreinte, sans doute égoïste, qui me maintient "sur mes gardes" vis-à-vis d'elle (de peur d'intrusion),  de lui parler de "mon" Docteur Gheron, en lui proposant de m'entremettre Je ne crois pas l'avoir convaincue...

 

A la veille de ma reprise, une fois les fêtes finies, j'étais donc harassée - à cause de ce bain non seulement de réjouissances et de retrouvailles, mais surtout d'émotions et de sentiments. Et ce qui prédomine encore, c'est mon incapacité à apaiser les conflits et les souffrances dont mes proches témoignent. Je dois bien reconnaître que mon gros chien pataud fait plus de bien aux autres que toutes mes savantes analyses psychologiques : il lui suffit, du regard, de donner toute l'affection dont son coeur de chien est capable pour rassurer l'autre. Il est meilleur que tous les analystes, à mon sens !

 

C'était donc exténuée qu'hier, j'ai fait le choix de re-re-voir "le secret de  Brokebak Mountain" - un de mes films préférés. Ce n'est pas que j'encense Ang Lee, son réalisateur : je n'ai pas aimé "in the mood for love", pourtant couronné par la critique. Ce n'est pas non plus parce que le sujet du "secret de BM"  - la description de l'homosexualité dans un milieu social d'une intolérance particulièrement mortifère - a des résonances pour moi. Non, c'est justement à cause de la gageure du travail d'Ang Lee.

 

Car la manière dont ce réalisateur rend compte des émotions est rien moins que paradoxale : il décrit des personnages en proie à des sentiments dont ils n'ont pas le droit de faire part. Même plus : qu'ils ne peuvent communiquer, car ils n'ont pas le langage correspondant ! Ang Lee multiplie les gros plans de visages - mais ces visages sont "inexpressifs", si l'on songe à  nos codes d'expression, et ne rendent pas compte des émotions des héros. Le spectateur est donc lui aussi plongé dans une sorte d'inquiétude, puisque les codes habituels (mimiques  à la mode de l'"actor studio", reflétant toute une palette d'émotions codifiées) ne sont pas à sa disposition... Comment Ang Lee fait-il alors, pour transmettre toute la charge émotionnelle contenue là ?

 

Il s'appuie sur ce que chaque spectateur a de commun avec ses héros : et c'est ce qui fait qu'une hétérosexuelle comme moi peut si complètement s'identifier au drame qui lui est raconté là. Les deux cow-boys n'ont même pas les mots, encore moins les gestes ou les attitudes, pour qualifier ce qui leur arrive : alors le transfert s'opère avec ce qui les entoure. Leur amour est d'une pure beauté, d'une essence emplie de spiritualité et de sensibilité - nous ne le saurons que grâce aux montagnes qui  lui servent de cadre, et qui sont les seuls éléments "sublimes" de ces existences rabougries sous le conformisme... Montagnes qu'il leur faudra bien entendu gravir et gravir encore, y "retourner" - car elles sont le seul langage possible pour cet amour-là.

 

Quant à la solitude et la pauvreté d'Ennis del Mar, Ang Lee, là encore, détourne le code. On ne le voit  jamais particulièrement malheureux -mais ses maisons successives sont de plus en plus isolées, et le bruit du vent qui les assaille devient de plus en plus prégnant. Ce vent qui hurle et pleure est encore une trouvaille du réalisateur, à mon sens, parce qu'on y puise une explication bien plus forte que n'importe quelle "déclaration"...

 

J'admire tant ce film que je lui ai attribué, hier au soir, l'explication de ma fatigue des fêtes -et des défaites que j'ai donc essuyées ces derniers jours : peut-être, au lieu de mes mots inutiles, m'aurait-il suffi de multiplier les flammes des bougies disposées sur les tables, pour adoucir les peines et raviver l'espoir de mes proches ?

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4 janvier 2015 7 04 /01 /janvier /2015 10:33

C'est la nuit, et je veux échapper à certaines pensées oppressantes. Donc ouvrir un livre  - sans réveiller personne dans la maison endormie - ce qui n'est pas si simple qu'il n'y paraît, et ne s'opérait pas, avant, sans une certaine culpabilité, soulignée par les soupirs de Clopin...

 

Mais c'était avant.

 

Car il me suffit, désormais, d'ouvrir ma liseuse : une lumière s'en échappe, et me voici très exactement comme Ali Baba ouvrant un coffre dans la grotte obscure des quarante voleurs. J'ai l'impression que mon visage, penchée vers la source de lumière, reflète le même type de convoitise que je discernais, jadis, sur le visage d'Ali, tel qu'il était dessiné dans  mon livre de contes. Sauf que ce ne sont pas les pierres précieuses et l'or qui étincellent et me nimbent de richesse, mais les mots des livres que je lis, ou  que je relis. 

 

L'important est dans la convoitise, que je retrouve intacte, comme à  huit ans.

 

Les livres, qui m'auront  accompagnée toute ma vie, et que je peux donc espérer continuer de fréquenter, contenaient donc aussi mon enfance : quelle féerie - et quelle lanterne magique que cette liseuse...

 

 

 

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